Journal d'une traversée

Laos,

Notre traversée Cambodge-Laos ayant été quelque peu périlleuse, nous avons décidé de la raconter un peu plus en détails que d’habitude. En espérant que ce ne soit pas trop pénible à lire !

Dernière soirée au Cambodge, qui clôture ce centième jour de voyage. Demain, c’est le départ pour le Laos. Nous sommes tous les deux quelque peu anxieux à l’idée de traverser cette frontière. Elle est réputée pour être très corrompue, et il faut donc donner des bakchichs à tout va pour avoir le droit de passer. Autant Solenne que moi sommes contre l’idée de donner de l’argent en plus du visa. Ce n’est pas tant pour le montant que pour le fait qu’en acceptant de donner, on devient complice de ce système. On se dit en même que si on refuse de payer et qu’il y a tout notre minibus qui nous attend… Bref, de quoi cogiter.

Nous avons réservé un minibus qui doit nous amener jusqu’à un bateau, qui nous déposera sur l’île de Don Khone. Le départ est prévu pour 7h, il faudra donc se lever tôt. Difficile de dormir avec ces idées qui rebondissent dans tous les coins de votre tête, mais on fini par y arriver, pour une courte nuit.

Le minibus nous prend comme prévu à 7h. Il n’y a encore personne dedans et on pense donc avoir de bonnes places, mais visiblement il y a un planning chargé et on se retrouve à l’arrière. Les deux banquettes de derrière sont pour les barangs, quatre barangs par rang ; celles de devant pour les locaux : cinq par rangé. Le van se remplit vite, on se retrouve à 25 dans l’engin. Puis, c’est parti.

La route n’est qu’une gigantesque piste de terre rouge. Chaque véhicule soulève un tel nuage de poussière que l’on se retrouve dans un brouillard épais qui rend la circulation difficile. Nous sommes régulièrement chahuté de tous les côtés, mais globalement tout se passe bien.

Après un peu plus de deux heures de route, le minivan s’arrête et nous dit que nous devons changer de véhicule. Première nouvelle, personne ne nous avait encore prévenu mais après tout, rien de dramatique… On nous dit que le suivant sera là d’ici une trentaine de minutes. Il est 10h, nous avons donc un peu de temps pour nous dégourdir les jambes. Nous en profitons pour faire connaissance avec les autres passagers : un couple d’espagnols et un anglais. L’heure sonnant presque midi, on commence un peu à s’inquiéter. Peut-être que nous nous sommes fait avoir ? Je tente de prendre une canette là où on nous a déposé, mais c’est le prix pour les barangs, soit 50% de plus. Pas de souci, je vais voir plus et après deux tentatives, trouve le prix correct. Un tuk-tuk s’arrête devant nous. Il nous apprend que notre minivan ne sera pas là avant 14h, soit quatre heures d’attente au total. Le voyage ne devait durer que 5h de point à point…

Au bout d’un moment, une personne, qu’on appellera AH pour la suite, vient en scooter et nous demande nos billets. L’anglais émet quelques protestations sur le fait que c’est quand même n’importe quoi de nous faire lever tôt si c’est pour attendre quatre heures, et cela sans nous avertir à l’avance. AH prend une moue d’enfant frustré et dit qu’il en marre d’entendre les gens se plaindre. Pauvre garçon, on est vraiment pas sympa, comme-ci on ne pouvait pas attendre tout en fermant nos gueules.

Comme prédit, le minivan arrive vers 14h. Nous sommes moins que dans le premier, c’est donc un peu plus confortable. La frontière n’est plus qu’à 45 minutes. Nous y arrivons donc rapidement. On nous fait tous sortir pour remplir les papiers. J’attend anxieusement le moment où on va nous demander de l’argent. Nous avons pu en parler un peu - oui on a eu un peu de temps libre - avec les autres, et le couple d’espagnols, Angel et Myriam, ne veut pas payer d’extras non plus. Après avoir remplit la fiche pour l’entrée au Laos, AH nous demande 38$ par tête. Euh non, désolé, le visa n’est que de 30$. S’en suit une explication complètement bidon, comme quoi à cette frontière là, c’est plus chère. Que nenni, nous n’acceptons pas. AH nous dit alors que nous pouvons traverser par nous même, et qu’il nous rejoindrait de l’autre côté. C’est donc ce que nous faisons. Angel et Myriam nous accompagne, l’anglais, ne voulant pas s’embêter, reste. Frustré, AH nous reprend les formulaires (déjà tout remplis avec nos infos).

Arrivés au poste d’immigration pour sortir du Cambodge, nous donnons nos passeports pour obtenir le timbre de sortie. Il s’agit juste d’un tampon qui indique la date de notre sortie. Et là… on nous demande 2$ chacun. Le geste doit être fatiguant au point qu’il faille une prime. Nous refusons donc, et la personne refuse à son tour de nous rendre nos passeports. Après, cinq minutes d’attente, le garde décide finalement de tamponner nos passeports et de nous laisser partir. Tiens c’est devenu gratuit tout d’un coup… Fiers de cette petite victoire, nous partons en direction du poste d’immigration du Laos.

Nous arrivons souriant, on nous redonne une fiche qu’il nous faut remplir, la même que AH nous a gentillement repris. On nous donne nos passeport à l’entrée, avec les fiches, et on nous demande les 60$ pour le visa. Super, tout semble bien se passer, c’est le prix normal. Mais ce n’est en fait que le début d’une grosse galère.

Nous allons ensuite de l’autre côté pour récupérer nos passeport avec le tampon d’arrivée. Et… on nous demande à nouveau 2$ pour ce tampon. Nous refusons évidemment de payer. Après un quart d’heure, nous continuons de demander nos passeports. Nous lui disons que nous sommes ok pour payer s’il nous donne un document officiel attestant du montant, ou un reçu avec son nom pour que l’on puisse vérifier par la suite. Bien sûr, rien n’y fait.

Au bout d’une bonne demi-heure, AH arrive fièrement avec tous les passeports des autres du groupe et passe l’immigration. Il nous dit qu’il faut nous dépêcher sinon le minibus n’attendra pas, ce à quoi je lui répond que l’ayant attendu pour notre part pendant quatre heures, oui, il va nous attendre. AH en vient à faire cette réflexion dont le contenu est en gros : “qu’est ce que vous venez faire au Laos si vous n’avez pas 2$ à donner aux gens”. Ba oui mon gars, j’ai tout quitté parce que je ne voulais pas d’une vie dictée par le fric et pour ça j’espérais trouver du mieux dans d’autres cultures. Visiblement, ce n’est pas non plus ici que je vais trouver quelque chose. “De tout façon, je retourne au minibus, et après nous partirons sans vous si vous n’êtes pas prêt”. Je lui répond en haussant le ton que ces 2$ ne sont pas légals et que par conséquent nous ne les donnerons pas et qu’après le temps passé à l’attendre lui, il avait plutôt intérêt à nous rendre la pareil et ne pas partir sans nous.

Un autre groupe est en train de traverser la frontière. Il y a quatre français parmi eux. Ils ne voulaient pas payer non plus, mais comme tout leur minivan l’a fait, ils ont suivi… Devant notre refus, les quatre français ainsi qu’une autre personne refuse à leur tour de payer. Nous sommes désormais une petite dizaine à attendre que nos passeports nous soient remis. Angel les demande à nouveau, et la personne en face commence à devenir agressive avec des mouvements violents.

Notre minivan est désormais prêt à partir. L’anglais est venu nous voir et nous a dit qu’il tenterait de le retenir le plus longtemps possible. Merci à lui ! Malheureusement, au bout d’un moment, nous voyons notre moyen de transport disparaitre… Il va falloir en trouver un autre. Les français de l’autre groupe nous disent qu’il reste de la place dans le leur et qu’ils sont ok pour se serrer. Il faudra évidemment payer un extra au chauffeur… Le problème reste cependant le même : nous n’avons toujours pas nos passeports, et après avoir été aussi loin, ce serait rageant de s’arrêter là. L’autre minivan n’attendra pas éternellement cependant.

Le garde nous montre rageusement un papier, que l’on pensait être un reçu. Il s’agit en fait seulement du papier indiquant qu’à partir d’une certaine heure, il faut payer 1$ en plus pour le service. Évidemment, lorsque nous sommes arrivés ce n’était pas le cas mais avec le temps qu’ils nous ont forcé à attendre… Nous convenons alors d’un deal : ok nous payons 1$ pour l’heure tardive, mais nous ne payons pas les 2$ de bakchich. Le garde semble d’accord, nous récupérons nos passeports, après presque deux heures d’attente. Il s’agit à peine d’une demi-victoire mais avec la nuit tombante, l’orage approchant, et le second minibus prêt à partir, on ne se sentait pas d’aller plus loin.

Le gros problème, c’est que les gens ne sont pas vraiment informés sur ce qu’ils ont à payer à la frontière. Nous avions fait la démarche au préalable en vérifiant mais il faut y penser. Les ambassades sont promptes à faire part des alertes comme quoi les pays sont dangereux, qu’il ne faut pas sortir la nuit, etc… alors que pas grand chose ne le justifie, mais ne préviennent pas de ces soucis. Du coup les gens payent parce qu’ils pensent que c’est normal. Il y a aussi ceux qui se disent que ce n’est après tout que 2$, mais en se disant ça et en acceptant, on accepte de participer au maintien d’un système de corruption.

Bref, après tous ses déboires, nous sommes arrivés au Laos, sur l’île de Don Det finalement. Nous avons un bungalow sur le Mékong, et nous nous sommes remis de cette journée clairement de merde, autour d’une bière bien fraîche au restaurant “Papa et Mama”. Autant vous dire que la journée suivante sera juste pour se relaxer :)