Comme un air de déjà vu...

Tic tac, tic tac… Avec des tics plus longs que certains tacs, ou certains tacs plus courts que d’autres tics selon comment vous préférez voir votre coupe. Le temps s’étire et se contracte comme des muscles au petit matin. Et chaque occasion d’écrire quelques mots afin de résumer ce qu’il s’est passé depuis la fois précédente met à jour ces aberrations. C’est ainsi tout un semestre qui s’est écoulé depuis que nous avons quitté les Terres Australes pour arriver en Terre du Milieu. Comme pour l’Australie, il s’agit de re-découvrir, d’une façon différente, un pays que nous avons déjà traversé voici quelques années.

Nous avons atterri à Auckland début mai, choix motivé par la double raison que d’une part nous ne connaissions pas la ville et d’autre part que nous pensions que du fait de la forte activité de la ville dans le secteur technologique, il serait plus simple pour nous d’y trouver un travail. Découvrir Auckland durant les premières semaines fût une expérience agréable. Comme la plupart des villes de cette partie du monde, on trouve beaucoup d’espaces verts qui permet à l’espace urbain de respirer correctement. Cette impression est accentuée par la proximité de la mer bien sûr, et les paysages côtiers néo-zélandais vous plongent dans un profond état de contemplation ébahie. L’activité culturelle y est riche avec en particulier un nombre impressionnant de concerts, souvent de groupes locaux (et il y en a beaucoup) mais aussi des têtes d’affiches internationales.

Mais revenons sur le paysage côtier, et le paysage en général dans lequel s’étend Auckland. Il faut dire que le support de cette ville n’est pas banal : avec une cinquantaine de volcans sous nos pieds, on espère que le bruit ne viendra pas réveiller les belles au feu dormant. Dans leur léthargie, ces volcans participent à façonner un horizon plein de hauts et de bas, en égal proportion bien entendu. Certains sont au cœur même de la ville : Maungawhau (le Mont Eden) par exemple se trouve dans la proche bordure du centre ville, et donne son nom au quartier qu’il héberge. Maungakiekie, fièrement orné de son obélisque, repose au cœur du parc de Cornwall non loin de Maungawhau. La montée au sommet de ces maunga déverrouille un horizon à 360° sur la ville et la mer qui l’entoure. Ce maçonnage volcanien s’étend d’ailleurs à cette mer où de nombreuses îles colorent l’horizon de douces collines d’un vert de prairie normande qui semble émettre sa propre luminosité.

Bien sûr, rien n’est jamais tout rose, et pas seulement à cause des collines vertes. Le bas blesse d’abord sur le coût de la vie à Auckland : les loyers ont passé le stade du décollage depuis fort longtemps, et le prix des basiques et des sorties semblent avoir été emporté par le courant d’air que cela a créé. Le tableau de la belle Auckland se noircit aussi à coup de gaz d’échappement. C’est une ville voiture où le piéton n’a qu’à bien se tenir. Cette noirceur s’exprime de différentes façons : de l’air que les nombreux espaces verts peinent à maintenir respirable, énormément de bruit, et bien sûr des traversées de la ville rendues difficiles à pied. Pour des personnes qui, comme nous, préfèrent le calme de la nature il est difficile de s’échapper de la jungle urbaine, sauf si vous avez une voiture bien entendue. J’entend le serpent s’étrangler avec sa queue.

Suite à nos déboires mécaniques en Australie, nous avons cependant fait le choix de ne pas avoir de voiture ici, ce qui nous a conduit finalement à nous sentir quelque peu prisonnier de la ville. Heureusement, il est facile de s’évader pour la journée sur une île en prenant un ferry. Et nous avons été gâtés en visites qui nous ont donné l’occasion d’aller flirter pour un jour, une semaine, un mois avec la campagne néo-zélandaise. Bien sûr nous avons déjà parlé de celle-ci durant notre précédent passage, et l’idée ici n’est pas de refaire un article sur ce qui a déjà été dit ! Mais heureusement il y a un peu de nouveau.

Une petite parenthèse ici afin d’évoquer un oiseau qu’il serait difficile d’omettre lorsqu’on parle de la Nouvelle Zélande, et comme vous avez certainement pu déjà le remarquer, les oiseaux sont souvent à l’honneur sur ce blog. Il ne s’agit pas du kiwi que tellement peu de gens ont vu, locaux inclut, qu’on en serait presque à soupçonner un vaste complot touristique. Cet oiseau que vous croiserez probablement et entendrez très certainement si vous venez ici est le Tui. A la morphologie entre le merle et le corbeau, tacheté d’un vert essence sur les ailes et portant de fines plumes blanches sur la nuque, on le reconnaît surtout à ses deux pompons blancs qui décorent sa gorge. Ces pompons ne sont point symbole de coquetterie dans les légendes maoris mais de couardise. En effet lorsque Tane Mahuta, dieu de la forêt, demanda de l’aide à son frère Tanehokahoka pour sauver ses enfants les arbres d’insectes qui les dévoraient, celui-ci demanda aux oiseaux perchés dans les hauteurs des arbres de descendre afin de débarrasser la forêt de ce fléau. Le Tui prétexta qu’il faisait trop sombre pour descendre si bas, le Pukeko qu’il y faisait trop humide, et le Pipiwharauroa (une espèce de coucou) était occupé à faire son nid. Seul le kiwi par altruisme accepta de descendre des hauteurs lumineuses pour rejoindre les bas-fonds de la forêt. C’est à ce moment que le kiwi perdit ses ailes colorées en échanges de pattes puissantes, afin de remplir la tâche qu’il avait accepté. Tanehokahoka affubla la Tui de ses deux pompons afin de lui rappeler sa couardise, et exila le Pukeko dans les marais. Le Pipiwharauroa quant à lui fut condamné à ne point avoir de nid et à devoir occupé ceux des autres. Vous avez toujours le choix de dire non à un dieu maori, mais soyez prêt à en assumer les conséquences !

Outre ce détail physique, le Tui possède surtout d’incroyables capacités vocales, et une grande intelligence. Il est tout à faire capable, à l’instar d’un perroquet, de reproduire la voix humaine. C’est pourquoi il était très prisé des tribus maoris qui pouvaient passer énormément de temps à lui apprendre des messages de bienvenue par exemple. Fin de cette parenthèse ornithologique…

La venue de toku whaea (ma mère en Maori) nous a donné l’occasion de faire quelques excursions. Du côté de Rotorua tout d’abord, où nous avons passé un weekend et avons eu l’occasion de visiter le parc de Waiotapu. Rotorua est une petite ville à environ 4h au sud de Auckland réputée pour l’activité géologique de son sous-sol. Lorsque l’on s’en approche, des colonnes de vapeur s’élèvent dans le ciel comme si la paysage s’enflammait à plein d’endroits simultanément. L’eau chaude est entièrement fournie par la géothermie, petit privilège bien nécessaire pour vous faire oublier l’odeur d’œufs pourris qui parfume la ville. Le parc de Waiotapu se situe un peu après la piscine de boue dont nous avions parlé dans des articles précédents. Une randonnée au travers des particularités géologiques parfois vraiment incroyables comme c’est le cas de ce petit lac d’arsenic d’une eau jaune-vert fluo. Dommage, nous n’avions pas les maillots.

Nous nous sommes ensuite concentré sur les îles. Rangitoto pour commencer. Il s’agit d’un volcan qui n’est actuellement pas en activité et que l’on peut apercevoir depuis Auckland. Un ferry vous y amène et vous pouvez marcher jusqu’au sommet, ce que nous avons fait bien entendu. L’île offre aussi une randonnée qui permet d’en faire le tour, avec un petit pique nique sur la plage à mi-parcours peut être ? Les traînés de lave se devine sur le paysage souvent rocailleux. Le sommet offre quant à lui un vue imprenable sur Auckland et les environs.

Puis l’île de Waiheke, célèbre pour ses vins et destination populaire des aucklandais pour les vacances. Si c’est une île sympa, avec de très belles randonnées côtières, elle n’a cependant rien de sensationnelle. Mais malheureusement, la partie est de l’île est difficilement accessible sans voiture, les villages se concentrant sur la partie ouest. Dommage poir nous car il semble y avoir d’autres chouettes randonnées de ce côté. L’île abrite une espèce en danger de Cotterell, que nous avons eu la chance d’apercevoir.

Une petite sœur et un campervan plus tard, et nous voila reparti sur les routes d’antan. Nous avons eu cette fois l’occasion de voir le Mont Taranaki, un autre volcan ayant élu domicile sur la côte ouest de l’île nord. Sa forme ainsi que son bonnet blanc lui donne des allures de Mont Fuji. Cette ressemblance à d’ailleurs conduit l’industrie du cinéma à utiliser le Mont Taranaki comme doublure de Fuji-san pour le film Le Dernier Samouraï. Un petit village japonais avait été construit au nord-est du volcan pour l’occasion.

Toujours plus au sud, nous avons retrouvé notre colonie d’otaries à fourrure, toujours à dormir ou à jouer sur leurs rochers de Cape Palliser. Bien que l’engouement ne soit pas aussi intense que lorsque nous les rencontrâmes pour la première, c’est cependant toujours quelque chose qui fait que l’on passe un moment magique à les regarder s’amuser. Et à être regarder en retour car certaines sont bien curieuses !

Avant notre passage vers l’île du sud, nous avons eu le plaisir de dormir à Fondcombe, rien que ça. Seigneur Elrond devait malheureusement être occupé et ne pu nous accueillir comme je suis sûr qu’il aurait souhaité le faire. Ce parc, Kaitoke, nous a vraiment surpris. Non loin de Wellington c’est un endroit de détente des plus agréables. Et il est très bien équipé, mais peut être le tournage du film a permis de récolter quelques financements pour parvenir à cette fin, ce qui me semblerait honnête notez bien.

Notre parcours sur l’île du sud a dû s’adapter aux effets d’un tremblement de terre qui a coupé l’axe principal de la côte est. Cela nous a permis de découvrir la partie nord, du côté de Nelson. Note à nous même et à ceux qui iraient de ce côté de l’île : je pense qu’il faut rester plusieurs jours sur place pour en profiter pleinement et pouvoir s’aventurer plusieurs jours dans le parc Abel Tasman par exemple, avec ses plages paradisiaques… Il nous reste des choses à faire ici ! Nous avons ensuite retrouver des lieux connus, en particulier Castle Hill qui est toujours un lieux d’apaisement tout en vous laissant souffler un “waaa” en le découvrant. Pour rappel il s’agit de ce parc rempli de rochers énormes, et qui a servi au tournage de Narnia. Il se trouve sur la route d’Arthur Pass où nous nous sommes rendu ensuite pour boire le thé avec les Keas, qui s’invitent sans gêne à votre table.

Les glaciers Fox et Josef semblent avoir reculés un peu plus depuis la dernière fois, il faudrait comparer les photos pour avoir une idée plus objective. Alors que nous faisions route vers Wanaka, nous avons découvert un camping, nouveau pour nous, sublime. Au bord un lac dont l’eau fraîche et claire est idéale pour se débarrasser de la crasse du voyage. Pour les voyageurs qui iraient par là, il s’agit de Boundary Creek.

Les alentours de Wanaka, Queenstown et bien sûr toute la route menant à Milford Sound sont toujours à couper le souffle et connaître déjà les lieux n’y change rien. Cette partie de la Nouvelle Zélande est certainement la plus magique pour les amoureux des paysages montagneux. Nous avons cette fois fait une croisière au départ de Milford et allant jusqu’à la mer. Un moment riche en découvertes : des manchots Rockhopper nous ont fait l’immense honneur de montrer le bout de leur bec et nous avons aussi rencontré toute une meute de grands dauphins. Mais ces rencontres étaient un bonus, le paysage en soi justifie la croisière. Imaginez ces murs de roches de plusieurs centaines de mètres, quasiment à la verticale, d’où jaillissent de nombreuses cascades. Ces murs vous entourent et donnent l’impression d’héberger en leurs hauteurs le monde perdu de Doyle. Il y a des endroits dans le monde qui, lorsque vous les decouvrez, modifient radicalement votre niveau de référence pour qu’un paysage vous emerveille, et celui-ci en fait certainement partie.

La baie aux lions de mer peut garder son nom, ils étaient toujours là. Gardée cependant par un individu quelque peu grincheux qui chargeait tout ce qui bouge, et autant vous dire que lorsque ces quelques centaines de kilo de chair vous chargent, les crocs bien en vue, votre inconscient n’a qu’une seule réponse : demi tour et court ! Heureusement ils ne sont pas très rapides, mais plus que ce qu’on pourrait imaginer tout de même. Un peu plus loin sur la plage, plusieurs lions s’amusent ensemble dans la mer, un beau ballet aquatique à admirer. Si ces animaux ne sont pas un symbole de grâce lorsqu’ils se déplacent sur le sol, il en est tout autrement dans l’eau.

Nous terminâmes ce roadtrip a nouveau a Christchurch et il faut avouer que la ville a bien changé depuis ces quelques années qui séparent nous deux venues. Pour rappel, la ville avait été sévèrement touchée par un tremblement de terre et elle en exhibait les cicatrices encore trop fraîches lors de notre premier passage. Au niveau des bâtiments bien sûr dont beaucoup nécessitaient, voire nécessitent encore, des poutres d’acier pour les maintenir debout. Mais les plaies n’étaient pas que physiques et l’esprit en payait aussi les frais, comme une violente douleur qui vous laisse le souffle coupé. Elle a depuis repris du poil de la bête et l’activité a repris en ville. Si notre premier passage nous avait laissé dubitatif sur la ville, le second nous a permis de vraiment l’apprécier. Nous avons pris le temps de parcourir son splendide jardin botanique, poumon boisé aux milles couleurs, qui mérite d’y passer plusieurs heures pour le découvrir dans son intégralité. Un des plus beaux qui m’ait été donné de voir.

Mais voilà que les rues, ne daignant point de couvrir de blanc, revêtirent tout de même les couleurs de Noël tel un clairon annonçant que notre départ est proche. C’est évidemment le moment choisi par votre inconscient pour faire remonter toutes ces choses que vous voudriez faire avant le départ tout en sachant obstinément que nous n’aurons pas le temps de tout faire. La tête d’affiche reste l’île de Tiri Tiri Matangi, sanctuaire d’oiseaux, dont nous parlions depuis un moment. Et on ne fût pas déçu car l’île regorgeait en effet d’oiseaux, dont certains rares, qui nous ont l’honneur de pavoiser devant nos yeux. Le Pīwakawaka bien sûr, Fantail de Nouvelle Zélande, qui nous a accompagné dans de nombreuses randonnées. Quelques Koreke, sorte de petite caille que nous avions déjà croisée à Rangitoto, et qui symbolisent le summum de la mignonicité. En levant la tête nous pouvions apercevoir régulièrement des Kererū énormes, pigeons des bois, assis tranquillement sur une branche mais semblant provoquer une tornade à chaque battement d’ailes. Similaire au Tuī dans sa forme et sa façon de se déplacer, bien que moins pomponné et vêtu d’une écharpe rouge, plusieurs Tieke ont croisé notre chemin. Dans les hautes herbes nous avons eu la chance de croiser un couple de Takahē, cousin du Pukeko, dont le bec et les pattes énormes donnent l’impression de contempler un Moa mignature surgit du passé. Un Hihi nous tira la langue sans la moindre gêne. Notre chance atteint son plus haut point avec un Kōkako tout de gris vêtu avec un soupçon de bleu, et qui se posa un bref instant devant nous. Nous croisâmes aussi plusieurs Kākāriki qui n’étaient cependant pas disposé à être pris en photo. Enfin, alors que notre séjour sur l’île se terminait, nous avons pu observer brièvement des petits manchots bleus qui couvaient paisiblement. Le département de la conservation a disposé des nids artificiels pour ces derniers, avec une vitre au dessus pour l’observation, mais étant sceptique sur l’impact que cela pouvait avoir sur les manchots nous avons préféré les laisser tranquilles.

Notre dernier weekend nous donna l’occasion de nous aventurer plus au nord d’Auckland, chose que nous n’avions jamais fait jusqu’alors. À environ 2h au nord, près de Whangarei (prononcer fangaré), pour une randonnée de deux jours où nous avons escalader le mont Lion. La côte est magnifique aussi de ce côté, et la vue à 360° que nous a offert la randonnée une fois là haut méritait définitivement l’effort qu’il a fallu donner en retour. Nous avions quelques espoirs d’apercevoir des kiwis mais si nous en avons entendu pendant la nuit, nous ne les avons pas vu. Nous avons en revanche pu voir un vol de Kākās (oui ça peut surprendre), un grand perroquet des forêts que nous essayons de voir depuis un certain temps.

La Nouvelle Zélande, c’est fini désormais pour nous, mais s’il nous reste des endroits à découvrir qui feront qu’un jour peut être nous reviendrons pour combler cette lacune. Vivre à Auckland ne fût pas la meilleure idée que nous ayons eu, mais premièrement c’est le genre de chose que l’on apprend en essayant et qu’il ne nous aurait pas été possible de savoir avant, et deuxièmement la ville nous a offert tout de même quelques bonnes opportunités de rencontres sociales, professionnelles et paysagères.

Nous avons désormais entamé notre voyage de retour avec un arrêt en Tanzanie pour quelques semaines. Ces mots sont écrits depuis Zanzibar ou le climat ne nous prépare absolument pas à retrouver l’hiver que nous n’avons pas connu depuis presque deux ans. Mais vous retrouvez vous, qui avait eu le courage de lire ceci jusqu’au bout, devrait nous réchauffer suffisamment le cœur pour affronter la météo à venir. Alors à très bientôt, et puisque la période semble propice à souhaiter cela, nous vous souhaitons à tous une très bonne année 2018 qui sera je l’espère riche en aventures de toutes sortes pour vous tous.

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