70°3 le matin

Notre exploration des pays scandinaves continue alors que nous posons les pieds à Trondheim en Norvège (autour de 63°N), boudant de ce fait la partie sud du pays. La ville semble agréable, mais nous ne y attarderons pas pour ce début d’aventure car nous en aurons l’occasion au retour.

Nous y passons quand même une soirée, et le lendemain nous débutons un périple qui va nous emmener plus au nord, comme ce qui semble être devenu une habitude récemment. Ce périple commence par un voyage en train qui nous emmène jusqu’à Bodø (environ 67°N). Le trajet est long mais les paysages sont splendides, le choix de voyager de jour pour en profiter s’avère être une bonne idée.

Bodø subira le même sort que Trondheim en ne nous servant que d’étape rapide : après une nuit de repos à l’hôtel de la gare, nous embarquons à bord du MS Verterålen de la compagnie Hurtigruten pour un voyage de deux jours qui nous conduira à notre point de chute final, Tromsø (environ 69°N) en traversant les îles Lofoten. Ce trajet sera l’occasion de nous mettre dans l’ambiance boréale.

Un petit mot sur cette compagnie Hurtigruten, car elle ne sert pas uniquement à véhiculer des touristes, mais, créée en 1893, elle a aussi une histoire importante dans le développement de ce pays. Il faut d’abord comprendre que la Norvège, en particulier la moitié nord, est un pays côtier montagneux, au relief escarpé auquel s’ajoutent fjords et îles. La pêche est une partie importante de l’économie. Les villages de pêcheurs étaient cependant isolés du fait du relief qui rend le transport terrestre compliqué (même si c’est sûrement encore en partie vrai de nos jours, il faut l’imaginer au 17e / 18e siècle). La mise en place des lignes de l’Hurtigruten est née du besoin d’une ligne de transport maritime qui puisse permettre à ces villages isolés d’être reliés plus facilement au reste du pays, et donc de pouvoir faire commerce du fruit de la pêche plus facilement. Bien qu’ayant souffert de l’occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale, la ligne a donc joué un rôle majeur dans le développement du pays et permet aujourd’hui de relier Bergen à Kirkenes. Les navires de la flotte sont améliorés à chaque nouvelle génération afin d’utiliser des technologies permettant de réduire l’impact sur l’environnement.

Wikipédia propose un très bon article sur le sujet pour aller plus loin. En attendant, nous profitons du paysage.

Arrivés à Tromsø, nous reprenons nos bonnes vieilles habitudes et continuons le voyage en van. Avant de prendre la direction des îles Lofoten, nous programmons un petit détour qui était à la base de remonter la E69 plus au nord, jusqu’aux environs de Stranda.

Sur la route, les ballades dans la toundra sont l’occasion de rencontrer quelques rennes.

La route blanchit au fur et à mesure que nous nous rapprochons d’Alta. Voyageant en octobre en Norvège, nous sommes en effet proches d’un hiver qui, d’après les dires des habitants, serait en avance cette année.

Nous passons notre objectif symbolique des 70 degrés nord.

Malheureusement, lors de notre première nuit en van après Alta, et alors qu’une tempête de neige commencer à se déchaîner, le système de chauffage du van tombe en panne. Malgré plusieurs tentatives de réparation à distance, rien n’y fait, et minuit approchant, avec la neige qui s’accumule sur la route et le froid qui prend possession du van, nous choisissons de faire demi-tour jusqu’à Alta pour y passer la nuit. Comme nous ne voulons pas perdre trop de temps pour profiter des Lofoten, nous reprenons la direction de Tromsø dès le lendemain. Un technicien nous rejoindra en cours de route pour tenter de réparer, nous évitant ainsi les kilomètres pour retourner à l’agence et changer de van. Mais rien n’y fait, et les kilomètres devront quand même être engloutis.

C’est donc avec un nouveau van que nous quittons à nouveau Tromsø, en espérant ne plus avoir de problème. Nous bifurquons cette fois à l’ouest, direction les îles Vesterålen, puis Lofoten.

Le paysage montagneux continue de nous ravir à chaque nouveau virage.

Nous commençons par visiter les îles Vesterålen avant de nous engouffrer dans l’impasse des Lofoten. Un petit arrêt à Sortland pour prendre quelques informations sur le coin, qui se transformera en un échange à la fois sympathique et intéressant avec les personnes de l’office du tourisme. Puis direction le nord de l’île Andøya, jusqu’à Andenes.

Plusieurs soirs, le ciel est dégagé et nous continuons d’être gratifiés par de petites aurores boréales.

Nous redescendons l’île Andøya en longeant cette fois la route ouest, moins empruntée. Le paysage est toujours saupoudré d’une couche de neige. Le temps est favorable aux orages, mais nous profitons tout de même de belles éclaircies.

Lors d’une prise de vue avec le drone, une chouette épervière se révèle dans l’objectif de la caméra : elle était quasiment au-dessus de nous et nous ne l’avions pas encore vue. Merci à elle d’avoir gardé la pose le temps de changer d’appareil.

Elle n’est d’ailleurs pas le seul rapace à habiter les environs. Nous avons la chance de voir régulièrement de magnifiques aigles pêcheurs. Les plus grands spécimens semblent vraiment énormes.

À Bø, nous pouvons admirer la sculpture de Killi Olsen, l’Homme de la Mer. Elle fait partie d’un projet plus vaste, le projet Artscape Nordland, pour lequel plus d’une trentaine de municipalités ont participé en accueillant un artiste chez eux et qui, après s’être imprégné des lieux, a créé une œuvre qui s’inscrit dans le paysage. L’Homme de la mer, du haut de ses 4 mètres, tient un obélisque dans ses mains. Dans son dos, on peut observer un autre personnage.

Nous nous engouffrons désormais dans les Lofoten. Ici, le pont entre les îles Austvågsøya et Vestvågsøya.

La météo ne nous est malheureusement pas favorable. Pluie et brouillard sont de la partie, bien que la neige, elle, semble craindre la douceur des îles Lofoten. Nous passons le long du trajet que nous avons pris précédemment en bateau. Malgré le temps, nous continuons notre voyage jusqu’à Reine, puis Å qui marque la fin de la route.

Nous reprenons ensuite la route en sens inverse, profitant de chaque éclaircie pour apprécier le paysage qui nous entoure. À Nusfjord, nous visitons un village de pêcheurs traditionnel, qui, bien qu’il ne soit plus en activité, est maintenu pour une activité culturelle.

La météo ayant écourté notre passage dans les îles, nous ne nous laissons pas abattre et choisissons de faire un passage en Finlande. De Narvik, il est possible de continuer sur la E10 pour rejoindre facilement Kiruna où nous étions déjà allés en Suède. D’ici on peut emprunter une route pour rejoindre la Finlande à Karesuando.

La route pour la Suède est une grande montée qui nous amène à Abisko. La quantité de glace sur la route augmente avec l’altitude. Le plus inquiétant reste de voir les semi-remorques qui descendent face à nous et pour lesquels le principe de survie consistant à rouler moins vite sur une route enneigée ne semble pas s’appliquer.

À Kiruna, nous apprenons que la route pour la Finlande est fermée à cause de trop de neige. Mais la chance nous sourit et au petit matin il est à nouveau possible de la prendre. Elle s’avère en effet très enneigée mais nous pouvons tout de même rouler (heureusement le van est équipé de pneus adéquats, une obligation en Norvège à partir d’octobre). Le temps est d’ailleurs humique et frais. Notre pauvre drone a risqué sa vie pour ces clichés : après à peine une minute en altitude, ses moteurs ont commencé à geler.

Nous resterons quelques jours en Finlande dans un petit chalet perdu dans la forêt, à profiter du paysage enneigé et des aurores. Le pays et ses habitants ont l’air adorables et nous aurions aimé pouvoir profiter plus longtemps. Mais ça sera l’occasion de revenir.

Le jour du départ, trop de neige était tombée et le van ne pouvait pas monter la petite côte nous ramenant à la route. Mais le responsable n’avait pas dit son dernier mot, et une heure plus tard le tracteur d’un voisin avait déneigé le chemin.

Nous reprenons donc la route pour rejoindre la Norvège, sans passer par la Suède cette fois, nous longeons la frontière Finlandaise jusqu’à Skibotn. Nous profitons évidemment au passage de chaque opportunité d’une petite ballade de cette magnifique nature, comme par exemple une cascade à moitié gelée.

Fait rigolo : après plusieurs kilomètres de route de montagne, une descente sur une place pour se stationner avec un peu de manœuvre, nous manquons de nous casser la figure en sortant du van tellement le sol est recouvert de glace… Ces pneus sont épatants.

De retour en Norvège nous décidons d’aller visiter l’île Senja, plus proche de Tromsø et dont nous en avons entendu grand bien en cours de route. L’île est bien plus sauvage que les Lofoten, pour notre plus grand bonheur, et offre aussi des paysages à couper le souffle. Tungenes par exemple, semble être un repaire de photographes. On y découvre de petits oiseaux adorables, des bécasseaux violets.

Nous sommes finalement à la veille de rendre notre van. Nous passons une dernière nuit perdus au nord de Tromsø. Et nous assistons cette nuit à la plus belle aurore qu’il nous ait été donné de voir.

Comme vous le savez peut être (ou pas) les aurores sont provoquées par des flux de particules en provenance du soleil qui viennent interagir avec notre magnétosphère. On parle alors d’orage magnétique qui peut être classé de G1 à G5 en fonction de l’intensité. Ces flux de particules n’ont pas forcément la même vitesse, et ce 3 novembre 2021, plusieurs flux se sont retrouvés à heurter la Terre au même moment, augmentant significativement l’intensité de la tempête jusqu’à atteindre le niveau G3 (quasiment G4). L’aurore boréale qui en a résulté était d’une intensité incroyable.

Pour la suite, il ne restait plus qu’à s’allonger dans l’herbe, et admirer le spectacle.

Cette soirée fabuleuse aurait suffit à elle seule à nous combler pour ce voyage. Nous retournons maintenant à Trondheim où nous prenons le temps cette fois d’explorer la ville. Il y fait bon vivre, et ça ne me déplairait pas d’y habiter.

Mais d’autres voyages nous attendent encore ! À bientôt chers lecteurs. Et en attendant, voici quelques photos bonus.

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