Le cratère du Ngorongoro
Au petit matin, Solenne mal réveillée marche sur un petit serpent qui dormait paisiblement dans la salle de bain. La pauvre bête terrorisée s’enfuit sans demander son reste, “Agréable mais colocataires sans savoir vivre” pourra-t-on lire plus tard dans les commentaires.
Nous reprenons la route vers l’étape du jour de notre safari, le cratère de Ngorongoro. Le nom du cratère vient probablement du bruit des cloches des vaches qui y paissaient autrefois. La taille du cratère lui-même est identique à celle du parc de Manyara. Cependant, ce cratère n’est qu’une petite partie du parc du Ngorongoro dont la superficie totale est de 8288km². Contrairement au parc de Manyara, Ngorongoro est une “aire de conservation”, qui est unique en Tanzanie du fait qu’elle autorise des humains à y vivre. Uniquement les maasaïs car ils ne vivent que de leur troupeau et ne pratiquent ni agriculture, ni chasse. Cependant, il ne leur est pas permis de vivre dans le parc de Serengenti au nord, ce qui a conduit à un exode de la population vers Ngorongoro il y a plusieurs décades, conduisant à une démographie au sein du parc trop importante qui a elle même conduit à durcir les règles concernant l’habitation du Ngorongoro.
Écrire un article pour ce blog, c’est avant tout l’occasion pour nous de partager notre expérience et photos qui y sont associées, mais c’est aussi une bonne opportunité de faire quelques recherches afin de pouvoir vous parler un peu plus des lieux en vous disant le moins d’âneries possibles. En l’occurrence, les recherches faites pour cet article provoquent plus de colère que de plaisir. Lorsque nous parcourions les parcs avec cette impression que les choses sont faites pour le mieux, et que le gouvernement semble avoir une réelle prise de conscience quand à l’importance de ces lieux, nous sommes sincères et je pense que c’est en effet le cas, tout au moins pour une partie des gens impliqués. Bien sûr, nous ne sommes pas naïfs non plus au point de croire que le tourisme, permettant de financer la protection de cet environnement, n’a aucun impact sur la faune ou sur les populations locales. Mais un grand bien peut nécessiter quelques maux, tant que cela reste juste et l’objectif clair. Ce qui est rageant c’est de découvrir que des camps de safari de luxe s’installent directement dans le parc, ou que des fortunés étrangers achètent d’immenses terrains qui peuvent soustraire aux Maasaïs des accès à l’eau dont leurs troupeaux ont cruellement besoin. Ces camps de safaris se voient même décerner des permis de tuer avec des quotas mais il est très difficile de vérifier que les quotas sont respectés, et les safaristes poussent parfois jusqu’à Serentengi avec un gouvernement qui ferme les yeux (sources qui datent de 2009, espérons que ça ait évolué dans le bon sens depuis, voir en bas de l’article).
Mais retour à l’aventure. La matinée est brumeuse durant l’ascension nécessaire pour accéder au cratère. Cela ne nous empêche cependant pas de rencontrer tout un troupeau de girafes prenant le petit dej près de la route. Nous avions pu en apercevoir une la veille au loin, mais les contempler à tout juste une dizaine de mètres est une toute autre expérience. Il y a quelque chose de majestueux chez ces animaux, une grâce qui découle certainement de la longueur de leurs membres, produisant d’amples mouvements. L’observateur a alors l’impression que le naguère nommé camélopard évolue dans une trame temporelle ralentie par rapport à la nôtre.
Nous entamons maintenant la descente de la muraille rocheuse entourant le cratère pour arriver sur une plaine qui, la brume aidant, semble sans fin. La faune continue de nous entourer au loin, un troupeau de zèbres ici, une famille de phacochères là, et au loin, auprès de son arbre, une lionne se prélasse. Comparée à la forêt de Manyara, la flore s’est allégée grandement pour le laisser qu’une plaine d’herbe arborée par moment d’acacias sur lesquels sont suspendus des nids d’oiseaux.
La veille nous avions aperçu des impalas caractérisés par des lignes noires sur le postérieur formant un M, ainsi qu’une superbe paire de cornes en forme de lyre chez les mâles, les femelles étant dépourvues de cornes. Mais notre rencontre avec les antilopinés ne devait pas s’arrêter là. Chemin faisant nous commençons par rencontrer des gazelles de Thomson, reconnaissables à la bande noire sur leur ventre qui sépare le brun du blanc. Les mâles arborent de longues cornes droites, tandis que les femelles se contentent d’une plus petite paire. Puis ce sont des gazelles de Grant que nous croisons. Aucune ligne noire chez elles, et autant mâles que femelles possèdent des cornes.
Pour les plus curieux d’entre vous qui se demanderaient la différence entre antilope (dont les impalas dont partie) et les gazelles, sachez qu’il s’agit de deux genres différents de la sous famille des antilopinés.
Il est temps de faire un premier arrêt, et après avoir vu passer plusieurs panneaux en bois indiquant “hippo pool” nous avons une petite idée de qui nous allons pouvoir rencontrer… Et en effet, les chevaux des rivières sont là, se vautrant dans un lit de boue, tellement collés les uns aux autres qu’il est difficile d’estimer le nombre d’individus, mais une ou deux dizaines pour sûr. De violents coups de queue font pleuvoir sur l’amas une pluie de confettis boueux, et de réguliers roulés-boulés font apparaître d’énormes pattes en l’air. Fondus dans la masse de pachydermes apparaissent par moment des bébés qui méritent beaucoup de respect pour réussir à ne pas se faire écraser entre deux postérieurs d’adultes surpondérés. J’imagine qu’un tel regroupement permet aussi aux adultes de défendre les petits des prédateurs car honnêtement, aucune beauté promise ne justifie de se risquer à un bain de boue en telle compagnie.
Au loin, deux représentants d’une autre espèce de pachyderme se déplacent majestueusement dans la brousse. Leur démarche est lente, envoûtante, et leur taille combinée à une végétation rase les fait apparaître encore plus grand que les géants qu’ils sont déjà.
Laissant derrière nous les représentants de deux des espèces de mammifères terrestres les plus grands au monde, nous reprenons notre route entourés de zèbres et de gnous bleus. Avouons tout de même que l’hippopotame n’est que le troisième plus grand mammifère terrestre, juste après le rhinocéros. Quel dommage de ne pas avoir notre tableau de si grandes rencontres complet ! Si seulement un rhino pouvait pointer le bout de sa corne…
Parmi les animaux de la plaine vivent de nombreuses familles de phacochères, poupées russes locales. À l’instar des moutons, ils s’accroupissent sur leurs coudes afin de manger. Par moment, nous pouvons apercevoir une grue royale qui, de par le mélange de couleurs de son plumage, mérite bien son nom.
À l’opposé sur l’échelle de la beauté ornithologique vient le marabout. Nous sommes alors arrêtés pour notre pause déjeuner (qui soit dit en passant se fait à l’intérieur de la voiture à cause d’une nuée d’oiseaux au dessus de nos têtes qui risqueraient d’être trop intéressée par notre panier repas) lorsque ce bizarre échassier fait un semblant d’atterrissage près de nous. Ses dimensions sont impressionnantes, un marabout mesurant entre 110 et 150cm pour une envergure de 210 à 250cm. Il possède en revanche la tête d’un grand brûlé auquel on aurait greffé un bec démesuré et, comme nous pourrons le constater plus tard, son sac gulaire participe à ce concours de démesure. Avec sa démarche de parisien dans le métro un lundi matin, il offre un curieux spectacle à contempler.
Notre pause déjeuner est aussi l’occasion de contempler de près quelques tisserins, les mêmes responsables du tissages des nids que nous avons vu pendre aux branches des acacias. Pour ceux qui se rappellent de notre article précédent, vous pourrez déduire que la pause déjeuner est propice à l’observation du tisserin. Ce ne sont pas les seuls volatiles que nous observons dans la journée, comme cette belle buse augure à l’affût de son prochain repas, ou encore ce choucador superbe au plumage chatoyant.
Mais la plus impressionnante rencontre reste à venir, alors que nous en conviendrons : le bilan actuel de la journée pousse à considérer cette dernière comme suffisamment extraordinaire pour les simples mortels que nous sommes. Mais nos guides, la nature aidant, ont décidé de nous en mettre plein la vue, et c’est difficile de leur en vouloir. Plusieurs véhicules semblent suivre un lion depuis une route un peu éloignée de la notre. Nous pouvons voir le roi au loin qui s’accroupit sous un arbre, se cachant alors à notre vue. Mais notre nomadogeekette, capable de repérer une tique sur le postérieur d’un éléphant à un kilomètre de là, scrute la plaine, pensive. Elle pointe soudain son doigt vers un point au loin, et nos guides s’en approchent lentement. Nous ne sommes pas les seuls à avoir remarquer ce point mouvant : sur un rayon de plusieurs centaines de mètres, l’activité semble s’être figée, les têtes des animaux tourner en direction de l’importun. Ce dernier, approchant, se révèle être une magnifique lionne. Elle s’approche doucement, rien ne semblant la presser, jusqu’à passer à quelques mètres de notre véhicule. Elle nous ignore superbement, comme pour nous faire comprendre qu’elle ne craint personne sur son territoire. Après s’être abreuvée au ruisseau, sa majesté continue sa sereine marche, semblant se demander si un possible gibier vaut l’effort nécessaire pour l’attraper. Mais en lieu de chasse, ce sera une sieste, passée à compter les zèbres peut-être.
La fin de la journée ne se révèle pas infructueuse, et nous continuons à augmenter notre bestiaire qui continue de se remplir de nouveaux animaux. Quelques hyènes aperçues dormant près d’un point d’eau, un chacal doré ressemblant à un petit loup qui aurait oublié de se coiffer. Mais aussi un chacal à chabraque et un serval. Si vous ignorez la signification de chabraque, rassurez-vous nous sommes au moins deux. La chabraque est une sorte de tapis qu’on pose sous la selle des chevaux, et en l’occurrence elle fait référence à la bande de poils foncés qui orne le dos du chacal. Le serval quant à lui ressemble à un gros chat qui aurait emprunté la garde robe de son cousin guépard.
C’est désormais la fin de cette seconde journée, qui s’est révélée extrêmement riche en découverte. Le cratère est une vraie richesse qu’il faut à tout prix préserver, et c’est un vrai bonheur d’avoir eu l’occasion d’en explorer une partie. Un petit regret de ne pas avoir l’occasion de pousser jusqu’au Serengenti mais ce sera l’occasion de revenir. Nous reprenons donc la route afin de sortir du cratère et rejoindre notre hôtel. Celui-ci est proche du dernier parc que nous allons explorer durant les deux prochains jours, et qui sera donc l’objet d’un troisième article : le Tarangire…
Si mon coup de gueule vous a fait vous poser des questions et que vous souhaitez lire les sources à l’origine de celui-ci, voici les articles en question :