L'age de verre

Lors de notre précédent voyage, alors que nous approchions de la moitié du trajet, les vitres étaient rendues opaques pour tromper nos esprits et leur faire croire à un semblant de nuit. Certains cependant, insensible à la duperie, continuaient de guetter au travers de la faible transparence de la fenêtre n’importe quelle surprise qui seraient prête à surgir. Et alors que les nuages se dégagent, des terres se dévoilent, suffisamment blanches pour renvoyer ce qu’il faut de lumière pour percer le rideau opaque des fenêtres. À la demande générale, les rideaux tombent, nous permettant d’admirer une côté glacée qui n’est alors pas celle de l’Islande (le trajet en aurait été discutable), mais du Groenland. Et alors que nous admirions ce splendide paysage, la latitude du prochain voyage commençait à faire son chemin dans nos têtes.

Ce n’est toutefois pas au Groenland, mais en Islande que nous nous rendîmes. Une décision motivée par le froid, les possibles aurores boréales, les promesses d’un roadtrip inoubliables et de paysages magiques. Destination Reykjavík donc, où un van nous attendait pour un douzaine de jours de voyage. Le circuit est assez simple là-bas, la route principale #1 couronne l’île, et le gros du voyage se déroule donc proche de cette route. Le centre de l’île nécessite un 4x4 (un prochain voyage peut être…). Mais cette route est tout à fait suffisante pour le temps dont nous disposons.

De Reykjavík, qui se situe au sud-ouest de l’île, nous allons prendre la direction du nord. Nous prenons d’abord possession du van et des recommandations de l’agence concernant la conduite. La météo est un point très important pour ce roadtrip, et il nous faudra la consulter plusieurs fois quotidiennement pour s’assurer que les conditions sont raisonnables. Le vent principalement, mais aussi le froid car nous sommes alors déjà fin septembre. Une fois installés, direction Akranes, notre première étape, qui a l’avantage d’être à une distance raisonnable de Reykjavik pour nous permettre à la fois de nous mettre en selle sans faire trop de kilomètres.

La petite ville est tranquille et permet de se dégourdir les jambes au travers d’une ballade. Le camping quant à lui est un grand espace situé en bordure urbaine (comme ça sera le cas pour beaucoup de campings). La gérante avec laquelle nous discutons gentiment nous apprend que la soirée a des chances de ne pas être déjà terminée…

Une petite note avant d’aller plus loin. L’Islande se situe au sud du cercle polaire (250km pour Reykjavik) et garde donc une alternance jour/nuit toute l’année. Mais elle en est suffisamment proche cependant pour que les journées soient longues en été où le soleil s’absente seulement 4h, et n’est présent que 3h au plus fort de l’hiver. Se rendre en Islande en été permet donc de profiter de longues journées, et potentiellement d’expérimenter un presque soleil de minuit. Pourquoi diable y aller fin septembre me direz vous donc ? Ce à quoi je vous répondrais : car il y a un autre phénomène observable en Islande mais que l’on ne peut observer que la nuit. Il s’agit bien sûr des aurores boréales. Ces dernières résultent d’un pic d’activité solaire entraînant un afflux de particules dans notre atmosphère, captés par les pôles magnétiques. En fonction des composants de notre atmosphère avec lesquels ces particules vont réagir (principalement oxygène, azote et hydrogène en fonction de l’altitude à laquelle le phénomène se produit), l’aurore prendra des teintes différentes (la teinte verte que l’on voit le plus souvent nous est offerte par l’oxygène).

Différents facteurs entre en jeu pour la probabilité d’observer une Aurore : la latitude, le plus proche du pôle le meilleur ; l’activité solaire, dont l’impact électromagnétique se retrouve dans l’indice Kp (plus cet indice augmente, plus vos chances d’observation augmentent aussi) ; et enfin, il faut qu’il fasse un peu de nuit pour nous permettre de les apercevoir ! Et ce dernier point est la raison principale d’avoir choisi de voyager un peu plus tard dans l’année.

Fermons cette parenthèse technique, et retournons à Akranes où la nuit est tombée. Le froid aussi même s’il reste sec et agréable pour qui n’est pas frileux. Nous sommes installés à l’arrière de notre van à observer le ciel au travers de fenêtres recouvertes d’un début d’humidité. Un halo blanc semble éclairer le ciel par endroits. Mais quelle est sa source ? En y regardant de plus près, il s’agit plutôt de voiles qui semblent danser dans le ciel : nous sommes en train d’observer une aurore boréale pour la première fois. Son intensité est faible, expliquant pourquoi elle apparaît plutôt blanche, mais elle n’arrive pas à dissimuler aussi facilement à l’objectif d’un appareil photo. Ce ballet féerique continue à se dérouler sous nos yeux hypnotisés. La plupart de nos congénères présents sur le camping sont aussi sous le charme de ce spectacle magnétique.  Difficile d’évaluer le temps passé à admirer, mais au bout d’un moment l’intensité diminue, et l’humidité nous rattrape finalement marquant la fin de cette soirée inoubliable.

Le lendemain, nous reprenons notre route en direction du nord, et nous rencontrons rapidement une cascade qui sera la première d’une longue série : Bjarnafoss (“foss” est le suffixe pour cascade en islandais, “bjarnar” désigne l’ours). L’eau s’écoule d’un plateau que nous longions depuis un moment, et fait directement face à l’océan. Une petite marche permet de s’en approcher et d’observer les formations d’orgues basaltiques (je reviendrais sur ces formations plus tard).

Le ciel de cette nouvelle soirée sera calme cette fois, la nuit fraîche. Alors que nous continuons notre périple le lendemain, nous croisons la célèbre chute d’eau Kirkjufellsfoss surveillée de prêt par le Mont Kirkjufell.

Contrairement à la nuit précédente, cette nouvelle nuit sous le ciel islandais se révèle plus agitée. La route nous avait amenés jusqu’au camping de Hvammstangi, en croisant au fil des kilomètres de petites villes agréables offrant des pâtisseries réconfortantes dégustées sur les quais du port sous l’œil vigilant d’oiseaux inconnus. Autour du camping, une petite ballade alors que le soleil tombe, éclairant d’une lueur orangée les chevaux islandais vivant aux alentours.

Et le soir donc, les ébats du soleil avec notre magnétosphère reprirent ce soir là, pour un nouveau spectacle inoubliable. L’intensité était cette fois un peu plus forte, permettant d’observer les voiles se mouvant sur la voute céleste plus facilement que la première fois.

Au petit matin, le froid a eu raison de la batterie de nos voisins campeurs. Malgré une mobilisation générale, rien n’y fait, il leur faudra attendre le dépanneur. De discussion en discussion suite à cet événement matinal, nos camarades nous apprennent l’existence d’une cascade un peu à l’écart de la route principale, en haut de laquelle se trouve… un bassin d’eau chaude naturel. Nous faisons donc un petit écart en direction de Fosslaug, pour goûter à ce petit plaisir simple que la nature nous offre. La cascade en soi se révèle impressionnante, non par sa hauteur comme la précédente mais par son envergure et sa puissance. Et la piscine d’eau chaude nous attend.

Le lendemain nous passons au point le plus au nord de notre voyage en passant à Fjallabyggð, à 66°N, chatouillant le début du cercle polaire. La ville en soi est typique avec ces bâtiments en bois colorés.

Nous passerons la nuit à Akureyri, capitale de la région du nord Norðurland eystra, et deuxième plus grosse agglomération d’Islande. Mais avant d’y arriver, nous faisons une petite sortie en mer pour découvrir les surprises qui voudront bien se présenter à nous. De part son format (beaucoup de monde !) la sortie est moins chaleureuse que ce que nous avons pu faire précédemment au Canada, mais reste quand même sympathique. Et après un peu de recherche, quelques géants des océans acceptent de venir nous saluer, pour notre plus grand plaisir !

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